par Renate Sander-Regier

En avril, deux annonces importantes et vaguement reliées ont été publiées en ce qui concerne les abeilles sauvages et les produits chimiques agricoles.

Tout d’abord, un regroupement canadien d’organisations environnementales a fourni des détails quant à sa poursuite visant à protéger les pollinisateurs des pesticides néonicotinoïdes destructeurs. On a annoncé que la poursuite conjointe impliquant l’Agence de règlementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) du Canada mènera à une audience complète (voir l’avis; en anglais) malgré les efforts du gouvernement fédéral et des producteurs de pesticides qui cherchent à fermer le dossier. La poursuite déclare qu’il est illégal que l’agence homologue des pesticides néonicotinoïdes pour utilisation au Canada sans obtenir l’information scientifique nécessaire pour évaluer le risque auprès des pollinisateurs.

Un article publié le même jour présente des résultats de recherche au niveau des abeilles sauvages et des produits chimiques agricoles. L’étude, réalisée par des chercheurs sur les pollinisateurs aux États-Unis, visait à comprendre comment les abeilles indigènes solitaires interagissent avec les pesticides. Les résultats soutiennent directement le dossier judiciaire contre l’ARLA: il y a encore un important manque d’information quant aux risques d’exposition aux produits chimiques pour un large éventail de pollinisateurs. Ce manque doit être comblé avant d’autoriser l’utilisation de pesticides.

Les chercheurs commencent tout d’abord en définissant le contexte contemporain. Ils soulignent que la recherche et l’attention médiatique portent généralement sur l’abeille mellifère, et que les organismes de règlementation de la lutte antiparasitaire vérifient habituellement les effets des produits chimiques sur cette espèce avant d’en autoriser l’utilisation.

Une mégachile se nourrissant du nectar de l’asclépiade commune

Pourtant, les abeilles sauvages doivent également surmonter de nombreux défis, y compris l’exposition aux pesticides, et l’on ne comprend pas très bien comment ils répondent aux produits chimiques agricoles. Les abeilles sauvages solitaires, qui nichent principalement dans des tunnels (tels les tiges creuses de plantes, les trous dans le bois et les terriers souterrains), peuvent interagir avec les pesticides de multiples façons. Ces interactions peuvent se produire à divers moments et périodes (parfois longues) au cours du cycle de vie d’une abeille solitaire.

Les interactions sont fascinantes, et il vaut la peine de bouquiner l’article de recherche qui cherche à représenter certaines interactions. À titre d’introduction, voici un aperçu:

  • Les abeilles sauvages adultes peuvent ingérer du nectar ou du pollen contaminé lorsqu’elles se nourrissent pour maintenir leur énergie ou lorsqu’elles apportent le pollen aux œufs

  • Les larves d’abeilles sauvages peuvent ingérer du nectar ou du pollen contaminé pendant qu’elles se développent dans le nid

  • Les abeilles sauvages adultes peuvent entrer en contact avec de la végétation ou du sol contaminé lors de la cueillette de matériaux pour la construction de nids et pendant la quête de nourriture

  • Les abeilles sauvages adultes peuvent transmettre des composés chimiques, de manière interne, directement à l’œuf

Ces différentes voies d’exposition aux pesticides peuvent avoir des effets différents, entraînant des conséquences potentiellement beaucoup plus importantes pour les abeilles solitaires. L’une des chercheuses, Theresa Pitts-Singer, fait une distinction importante entre les coûts d’exposition aux abeilles mellifères et aux abeilles sauvages solitaires. Nous la citons d’après le résumé de sa recherche :

« La saison de nidification, ainsi que son service de pollinisation, s’arrêtent pour une abeille solitaire si elle est tuée ou perdue à cause des effets des pesticides. Toutefois, les effets négatifs des pesticides sur une colonie d’abeilles mellifères ne se font sentir que sur une partie des ouvrières, ce qui ne mènerait pas à la fin de vie de la ruche ni fin au service de pollinisation par celle-ci. Dans ce contexte, les abeilles qui nichent dans les cavités – ou les abeilles solitaires – sont plus vulnérables aux effets négatifs des pesticides. » (traduction de l’anglais)

Les chercheurs reconnaissent que leur étude est une évaluation incomplète de la sécurité/danger des pesticides pour les pollinisateurs et qu’elle laisse de nombreuses questions sans réponse. Ils identifient néanmoins les pesticides les plus préoccupants: ceux qui contaminent facilement le pollen et le nectar, affectant à la fois les stades adultes et larvaires, suivis des pesticides retrouvés dans les feuilles et dans le sol.

Pour plus d’information

À propos de l’étude sur les abeilles solitaires et les pesticides

À propos de la poursuite impliquant l’Agence de règlementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) du Canada


Renate Sander-Regier a une passion pour les abeilles sauvages. Elle cherche à les encourager, ainsi que supporter d’autres pollinisateurs indigènes dans différents projets de plantation d’habitats – à sa maison rurale, au jardin écologique Fletcher, au campus de l’Université d’Ottawa, et plus encore.

Traduction par Gabriel Gauthier

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